Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

samedi 25 mai 2013

Guido Reni, La Sainte Trinité

            Au XVIIe siècle, les représentations picturales de la Sainte Trinité ne furent pas très nombreuses, car les programmes iconographiques consécutifs à la Contre-Réforme étaient davantage orientés vers la vie du Christ, de la Vierge ou des saints. Guido Reni nous a pourtant laissé une splendide Trinité pour le maître-autel de l’église éponyme de la Trinità dei Pellegrini. Elle est d’une lecture fort aisée. Le Père trône en majesté dans la partie supérieure du tableau. Il est revêtu d’une tunique blanche et d’une somptueuse chape violette et rouge, symboles de sa divinité fontale et de son autorité suprême. Il porte une barbe, comme les vieillards, parce qu’il est l’Inengendré ; et sa tête est surmontée d’un nimbe crucifère, parce qu’il n’a qu’une pensée, son Fils, qui est marqué pour l’éternité au sceau de la Croix. C’est pourquoi le Verbe est représenté comme le Crucifié, bien qu’il soit désormais dans la gloire : en effet, pour nous autres mortels, il n’est pas d’autre accès à la Trinité bienheureuse que la Croix. Au-dessus du Christ est la colombe de l’Esprit-Saint, qui éploie ses ailes sur le sein du Père : c’est ici en effet qu’il conduit ceux qui gardent les commandements du Fils. Le Père, l’Esprit, et le chef du Verbe Incarné apparaissent sur un ciel d’or, symbole de l’éternité où réside la divinité ; en revanche, la Croix et le corps du Crucifié émergent sur une nuée et un ciel d’azur, qui évoquent à la fois notre monde et la paradoxale théophanie que fut la mort de Jésus. Des anges ponctuent toute la scène : on les devine innombrables autour du Père et de l’Esprit, et on en distingue nettement quatre autour du Christ. Peut-être Guido s’est-il souvenu que le nombre quatre symbolise la terre et, plus amplement, la création, de sorte que ces deux anges et ces deux angelots seraient alors comme le pendant créé de la Triade incréée, l’humanité du Christ étant le pont qui relie les deux univers. Conclusion : dans la Rome baroque aussi, l’art guidé par la théologie savait représenter la totalité du Mystère révélé.

Guido Reni, La Sainte Trinité, 1625,
Rome, église de la Trinité-des-Pèlerins.

Gonzague de Reynold, Le Chant de la Bérézina

            Gonzague de Reynold nous a laissé, dans La Gloire qui chante, un « chant » qui ne prétend pas compter parmi les chefs-d’œuvre de la poésie française, mais qui exprime fort bien, cependant, le drame de notre condition terrestre, et l’inéluctabilité de son terme. Si la foi donne sens à ce pèlerinage, elle n'en n'évacue pourtant pas l'âpreté.


Notre vie est un voyage
Dans l’hiver et dans la nuit,
Nous cherchons notre passage
Sous un ciel où rien ne luit.

La souffrance est le bagage
Qui meurtrit nos reins courbés ;
Dans la plaine aux vents sauvages
Combien sont déjà tombés !

Dans la plaine aux vents sauvages
Le vent les a déjà couverts ;
Notre vie est un voyage
Dans la nuit et dans l’hiver.

Pleurs, glaces, sur nos visages
Vous ne pouvez plus couler.
Et pourtant, amis, courage :
Demain va vous consoler !

Demain, la fin du voyage,
Le repos après l’effort,
La patrie et le village,
Le printemps, l’espoir, - la mort !

Gonzague de REYNOLD,
La Gloire qui chante,
Spes, Lausanne, 1919, p. 56 – 57.