Comme un fleuve au soleil vous traversez ma vie,
comme un fleuve au soleil qui s'en va vers la
mer:
il répand sur ses bords la joie et l'harmonie,
et sa fraîcheur d'argent frissonne au bleu de
l'air.
Les arbres sur ses bords inclinent leur
feuillage
dont le murmure heureux accompagne son cours,
là-bas, dans le soleil, là-bas, jusqu'au rivage,
là-bas, jusqu'à la mer vaste comme l'amour.
Vous êtes la beauté, la joie et l'harmonie,
vous êtes du soleil, vous êtes de la mer...
J'ai choisi pour exil la tristesse infinie:
pour vous, je suis du Nord, et je suis de
l'hiver.
Craignez, craignez un coeur tout gonflé de
tempêtes;
l'un sur l'autre, j'ai vu s'abattre mes espoirs,
et je reste debout, la neige sur la tête,
à mesurer ce bois épars sur le sol noir.
L'ombre serait sur vous de mon inquiétude:
chassez de votre ciel ces nuages du Nord;
laissez le solitaire avec sa solitude
dont la face est déjà la face de la mort.
Vous ne trouvez en moi qu'une âme désolée:
elle a besoin de paix, et non plus de bonheur;
n'arrêtez point ma vie aux deux tiers en allée,
car pour elle l'amour n'est plus qu'une douleur.
Je désire pourtant l'amour et la jeunesse,
désir inassouvi qui cherche encor sa part...
Vous qui seriez l'amour, qui êtes la jeunesse,
vous traversez ma vie.
Trop tard.
Gonzague de REYNOLD, Conquête du
Nord,
Paris, Gallimard, 1931.
Paris, Gallimard, 1931.
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