Au XVIIème siècle, les
hommes d’Église ne parlaient jamais de « culture », à la différence
de nos contemporains, sans doute parce que, à l'inverse de ceux-ci, ils en
avaient beaucoup ; bien plus, ils en étaient les vecteurs, plus encore que
les princes séculiers, et ils le resteront jusqu’à ce que la « crise de la
conscience européenne », si bien décrite autrefois par Paul Hazard, vînt
les destituer de cette fonction civilisatrice. L’un d’eux était le cardinal
Bernardino Spada (1594-1661). Il fut nonce à la Cour de France, puis préfet de
la Sacra Congregatio de Confinibus,
chargée de veiller sur les frontières des États pontificaux ; mais comme
la monarchie française aussi bien que les états du pape ont disparu - proh dolor -, c’est
surtout son rôle de protecteur des arts qui nous intéresse. On peut en effet
visiter, dans la Ville Éternelle, une partie de sa demeure, qui s’appelle
justement le Palazzo Spada, et y
admirer une collection de peinture de bonne qualité[1].
On y découvrira notamment deux portraits de son ancien propriétaire, dus tous
deux à des maîtres émiliens dont il fut le mécène : Guido Reni dit « Le
Guide » (1575-1642), né et mort à Bologne ; Giovanni Francesco
Barbieri dit « Guercino » ou « Le Guerchin » (1591-1666),
né à Cento, près de Ferrare, et mort lui aussi à Bologne. Nous avons déjà eu l'occasion de rappeler que cette « école
de Bologne », héritière des Carrache, tendait vers une forme de classicisme
à l’âge baroque, et nous offre ainsi une alternative à Caravage et au caravagisme,
ce qui doit lui mériter notre estime : une âme bien née se méfiera
toujours des tendances anticlassiques en art, puisque la déconstruction
commence par l’esthétique, comme le montre partout le drame que traverse l’Église
en notre temps. Les deux portraits nous présentent un prince de l’Église dans
une position qui concrétise son principat : celui du Guide nous le montre
dans son cabinet, regardant le spectateur, mais tenant une plume à la main,
assis à côté d’une armoire ouverte où se voient des petits casiers destinés à ranger la correspondance ; le tableau du Guerchin, plus sobre, nous
fait voir le cardinal avec un plan de citadelle à la main. Les deux peintres
nous livrent un regard bleu, plus sensible chez Reni, plus déterminé chez
Barbieri, mais empreint, dans les deux toiles, d’intelligence et de clarté,
qualités qui ne sont pas à la mode, mais sans lesquelles il n’est plus de vraie
culture.
Guido Reni, dit Le Guide, Portrait du cardinal Spada, 1630, 227 x 147 cm, Rome, Palais Spada. |
Giovanni Francesco Barbieri, dit Le Guerchin, Portrait du cardinal Spada, 1631, 87,8 x 96,8 cm, Rome, Palais Spada. |
[1] Voici le site de
la Galleria Spada, qui se trouve dans
le palais du même nom : http://galleriaspada.beniculturali.it/
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