Dans
la longue étude qu’il a dédiée à Guido Reni dans L’École du silence, Marc Fumaroli explique la fréquence et l’importance
que le maître bolognais accorde aux figures conjointes du Christ et de saint
Jean-Baptiste par le thème de la rencontre.
En attendant de revenir sur ce sujet, nous citerons les lignes qu’il consacre
au célèbre Baptême du Christ que l’on
peut admirer au Kunsthistorisches Museum de Vienne :
Une
autre accommodation, à peine plus appuyée, permet de voir se dessiner le
Baptême sous la surface de la Rencontre.
L’attitude des deux figures, cette fois, semble d’abord inversée par rapport à
l’iconographie traditionnelle, qui représente le Christ s’inclinant et le
Baptiste élevant le bras et la coupe lustrale au-dessus de lui. Mais cette
inversion même des attitudes, si l’attention intérieure s’est bien fixée sur le
Baptême, est un objet fertile pour ce que les maîtres spirituels nomment « considération » :
le Christ commence par bénir et consacrer saint Jean avant d’être baptisé par
lui et, dans le Baptême, c’est bien le Christ qui est exalté, le rôle de Jean
se bornant à être l’instrument providentiel de cette exaltation. Ce
renversement des rôles, ce passage du négatif au positif, de la figure
apparente à la figure cachée et profonde, est la loi même de l’étonnant
filigrane mnémotechnique conçu par le peintre[1].
Sur un registre plus scolaire, on remarquera que Le
Guide, dans cette œuvre de 1623, utilise, pour les proportions du corps humain,
un canon (1 × 8) qui s’apparente davantage à Praxitèle qu’à Phidias, ce qui
montre que son classicisme foncier ne néglige pas tout à fait l’héritage
maniériste. En ce qui concerne la composition, il faut remarquer que la
structure triangulaire particulièrement visible intègre, sur le côté gauche du
triangle pour le spectateur, une droite qui traverse tout le tableau, puisqu’elle
descend de la nuée, passe par la tête de la colombe et la main du Baptiste,
pour arriver au pied droit de l’ange et à l’angle gauche du tableau. Cette
ligne, discrète mais nette, à la droite de la scène vue des personnages
eux-mêmes, est celle-là même de la théophanie qui vient, en cet instant,
annoncer le caractère messianique du Fils.
Guido Reni, Le Baptême du Christ, 1623, Vienne, Kunsthistorisches Museum. |
[1]
Marc
FUMAROLI, L’École du silence, Le sentiment des images
au XVIIe siècle, [Champs Arts, 633], Paris, Flammarion, 2008, p.
414-415.
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