Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

samedi 6 octobre 2012

Finis Franciae ?


           Seul à Colombey entre le souvenir et la mort, comme les grands maîtres des chevaliers de Palestine devant leur cercueil, il est encore le grand maître de l'Ordre de la France. Parce qu'il l'a assumée ? Parce qu'il a, pendant tant d'années, dressé à bout de bras son cadavre,  en faisant croire au monde, qu'elle était vivante ?

André Malraux, Les Chênes qu’on abat, Paris, Gallimard, 1971, pp. 235-236.

mercredi 3 octobre 2012

Une curieuse prophétie de Gérard de Nerval


            Comme d’autres poètes du XIXème siècle, tels que Victor Hugo ou Alphonse de Larmartine, Gérard de Nerval était hanté par le mystère de Dieu et celui du mal, et comme eux il semble avoir rêvé d’une impossible apocatastase. Son cœur était déchiré entre l’appel de la grâce chrétienne et les séductions de l’occultisme, et l’on sait que cette inquiétude l'emmena très loin dans la mer sans rivage de la folie, pour s'achever ici-bas par son suicide dans la rue de la Vieille-Lanterne, le 26 janvier 1855. Quelle science véritable du mystère d’iniquité lui donna ce commerce tragique avec les esprits, bons et surtout mauvais, du monde invisible ? Personne ne saurait le dire précisément, car de toute façon le lÒgoj de l’histoire universelle demeure, jusqu’au jour du Jugement, le secret de Celui qui en est l’Alpha et l’Oméga (Apoc. 1, 8).
            C’est dans cet esprit d’abandon à la Providence que nous pouvons relire une assez curieuse prophétie de Gérard, datée de 1851 :

Il y a, certes, quelque chose de plus effrayant dans l’histoire que la chute des empires, c’est la mort des religions… S’il était vrai que la religion chrétienne n’eût guère plus d’un siècle à vivre encore, - ne faudrait-il pas s’attacher avec larmes et avec prières aux pieds sanglants de ce Christ détaché de l’arbre mystique, à la robe immaculée de cette Vierge mère, - expression suprême de l’alliance antique du ciel et de la terre, - dernier baiser de l’esprit divin qui pleure et qui s’envole !

Gérard de Nerval, préface d’un article sur Quintus Aucler,
cité in Albert Béguin, Gérard de Nerval, Paris, José Corti, 1945, p. 52.

Certes, l’ « esprit divin » ne saurait jamais ni pleurer ni s’envoler, et il est à la fois vain et dangereux de déplorer je ne sais quelle impuissance du Tout-Puissant. Nous n’en restons pas moins impressionnés par la pertinence de la datation : un peu plus d’un siècle après 1851, cela nous conduit aux années 1960, qui furent en effet celles où commença la grande sécularisation du monde, que rien, pour le moment, n’a pas pu arrêter de façon décisive, pas même la chute de l’empire soviétique en 1989. En France, nous en sommes à la légalisation du « mariage » homosexuel et de l’euthanasie, pour ne rien dire de l’effondrement des mœurs et de l’effacement du sens de la beauté. Caveant consules ! Et attachons-nous plus que jamais au Christ, qui n’est plus sanglant mais ressuscité pour toujours, ainsi qu’à « la robe immaculée de la Vierge Mère ».