Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

dimanche 27 avril 2014

Étienne Gilson, le primat de l’esse et la gloire des essences

            Nous participâmes, voici quatre jours, à un colloque de métaphysique qui aurait pu offrir l’occasion d’une discussion serrée, rigoureuse, et courtoise, sur le statut respectif de l’esse et de l’essence au sein de l’étant créé, l’ens per participationem comme le dit si bien saint Thomas. Il n’en fut pas ainsi, la dynamique de ce genre de rencontres transformant souvent les échanges en une série de monologues, entrecoupés et quelque peu apprivoisés par les questions de l’auditoire. L’un des intervenants s’est lancé dans une charge contre Étienne Gilson, lui reprochant de dévaluer les essences, et de substituer ainsi à la métaphysique thomiste de l’ordre une sorte d’anarchisme des existants. Le propos nous a étonné, car si l’auteur de l’Introduction à la philosophie chrétienne discerne très justement en l’acte d’être le noyau de l’étant, il n’en réserve pas moins à l’essence une place d’honneur dans la création, puisque c’est à celle-ci qu’il revient de mesurer la quantité d’être de chaque substance, et, par là, de hiérarchiser l’univers. Voici un texte qui devrait dissiper tout malentendu à cet égard :

Le primat de l’acte d’être dans le fini suit immédiatement de la transcendance absolue de l’être pur dans une doctrine où Dieu se nomme Qui Est.
            D’importantes conséquences suivent de là pour l’interprétation générale d’une métaphysique fondée sur cette notion de l’être. Il est évident qu’on ne peut la considérer comme une philosophie de l’essence, car c’est l’acte d’être, l’esse, qui y joue le rôle d’acte premier et de perfection première, l’essence elle-même n’y étant qu’en puissance à son égard. Il est non moins évident qu’on ne peut la considérer comme une philosophie de l’existence animée d’un esprit analogue à celui des existentialismes contemporains, où l’existence s’oppose à l’essence comme à son contraire. Il n’y a rien de ce qu’affirment les métaphysiques de l’essence, qui ne reste vrai dans la philosophie dont on vient de définir la principe, sauf l’illusion qui leur fait poser l’essence comme l’acte des actes et la perfection des perfections, ce qui revient à lui attribuer la place et le rôle réservés à l’esse.
            Comment pourrait-on déprécier ou mépriser l’essence ? Sans doute, elle est de peu de prix si on la compare à Dieu. En lui, l’essence n’est que l’Idée, connaissance d’un mode de participation possible de l’acte pur d’être par un étant qui, n’étant pas Dieu, lui est infiniment inférieur. Mais le contraire est vrai de l’essence comparée au néant, car il n’y a pas d’autres possibilités, hormis être Dieu lui-même, qu’être un étant ou ne pas être. Or, si la distance de l’étant à l’être est infinie, celle du néant à l’étant l’est aussi à sa manière, puisque l’acte créateur, qui est la forme propre de la causalité divine, est seul capable de la franchir.
            On ne célébrera jamais assez la gloire des essences, miroirs où se reflètent en une infinité de modes divers la perfection simple d’un Acte pur d’être qui les transcende. Leur intelligibilité, leur ordre, leur bonté et leur beauté sont ceux de tout univers créé, actuel ou possible. Le propre de l’essence, mode fini de participation à l’être, est de rendre possible l’existence d’une natura rerum qui ne soit ni le néant ni Dieu. C’est pourquoi nous la présentons comme la condition ontologique de possibilité même d’une réalité non-divine. Conquis sur le néant par la libre volonté du créateur, un tel univers se compose d’étants, qui ne sont ni essences sans existence, ni existences sans essences, mais, plutôt, actes d’être mesurés par les essences auxquelles eux-mêmes confèrent l’existence. C’est un univers de grande beauté, sacré dans son être même qu’habite intimement l’efficace de la toute puissance divine, nourriture inépuisable d’une réflexion philosophique et théologique que sa nature propre apparente à celle de la spiritualité.

Étienne Gilson, Introduction à la philosophie chrétienne,
Paris, Vrin, 11960, p. 196-198.

samedi 26 avril 2014

L’ens primum cognitum selon Cornelio Fabro

            L’ens primum cognitum est pour Fabro le premier objet que doit thématiser, réflexivement, la métaphysique ; et cette réflexion le fait apparaître comme le « concret transcendantal », lequel s’oppose à la fois au « concret formel » objectif de la scolastique, y compris la néoscolatique thomiste, et à l’« abstrait transcendantal » qui caractérise la philosophie de la conscience suivant une ligne Descartes – Kant – Hegel, dans laquelle s’inscrit ce que l’on a appelé le « thomisme transcendantal ». Voyons cela de plus près.
            « Illud autem quod primo intellectus concipit quasi notissimum […] est ens[1] ». In actu exercito, l’étant est en effet, pour nous, le premier et le plus connu ; mais qu’en est-il in actu signato ? La grande préoccupation de Fabro, à cet égard, c’est que l’étant soit pensé réflexivement comme ens in actu, et de ne jamais le réduire au possible. Cela n’implique évidemment pas qu’il faille exclure le possible du champ de l’étant, puisqu’aussi bien c’est là le quatrième membre de la quadripartition aristotélicienne ; mais cela exige en revanche que la puissance ou le possible soient compris à partir de l’acte, et non pas l’acte à partir du possible. Or nous savons que, de Jean Duns Scot à Christian Wolff, un pan entier de la métaphysique occidentale élabore la notion d’étant à partir de la non-contradiction, et cherche à le définir comme ce à quoi l’existence ne répugne pas :

Notio entis in genere existentiam minime involvit, sed saltem non repugnantiam ad existendum, seu, quod perinde est, existendi possibilitatem[2].

L’étant, dans cette perspective, se trouve réduit à l’essence qui possède en elle-même la possibilité de l’existence. Cette réduction présuppose d’abord que l’essence jouisse d’une consistance ontologique autonome, pour ne pas dire indépendante, et ensuite que l’existence soit un principe ontologique extérieur à l’essence.
            Pour Fabro, l’ens thomiste, qui est l’ens de l’expérience réelle et commune de l’humanité, est tout autre. Il s’analyse, initialement, en « id quod est », ce qui donne deux moments, c’est-à-dire le « id quod » puis le « est », mais ces deux moments constituent un tout, précisément le « ens ». Il est important de considérer ici que l’unité précède la dualité, et surtout que le « est » étant l’acte du « id quod est », ce même « est » se présente, non encore comme le principe de l’étant, mais déjà comme son instance constitutive et unitive. Dans son dernier ouvrage, il qualifie l’étant ainsi interprété de « concret transcendantal » :

On prendra garde à […] la forme grammaticale de « ens » comme participe, qui n’est pas le simple infinitif esse, lequel est absolument indéterminé soit quant à l’acte (d’être) que quant au contenu (d’essence). Le participe en général, comme on l’a déjà noté, et c’est une règle de grammaire élémentaire, est le complexe concret (il plesso della concretezza), parce qu’il est la synthèse d’un nom-substantif et d’un verbe, c’est-à-dire d’un contenu et d’un acte. Le participe ens de esse est ainsi le complexe concret de toute réalité concrète, c’est-à-dire le concret transcendantal[3].

L’ens est donc un concret, parce qu’il est toujours une synthèse d’acte et de contenu, d’être en acte et d’essence ; et il est le concret transcendantal, parce qu’il est antérieur à toute contraction dans une catégorie déterminée. Ainsi compris, l’étant peut être envisagé face à la conscience intellective, puis à partir de celle-ci. Sous le premier rapport, qui est ontologiquement et réellement premier, l’étant est un « être-en-acte-pour-la-conscience » :

Être-en-acte-pour-la-conscience qui est l’être-présent de quelque chose à la conscience en tant qu’il est donné, c’est-à-dire présenté et offert comme acte et comme contenu[4].

C’est en ce sens que toute réalité, pour l’intelligence, est un étant : elle est avant tout quelque chose qui transcende la conscience que j’en ai, et l’acte même par lequel je la connais. Cet étant est d’abord un acte ; mais il est toujours l’acte d’un contenu. De cette façon, la conscience, comme dit Fabro, n’est telle que parce qu’elle est dominée par quelque chose qui n’est pas elle :

Semblablement, l’être-en-acte de la conscience, c’est percevoir la présence de quelque chose qui occupe le champ de la conscience comme quelque chose qui jaillit du complexe de son flux intentionnel[5].

C’est ce « jaillissement », phénoménologiquement parlant, qui pour Fabro marque la transcendance de l’étant en acte sur la conscience que nous en prenons, et qui donc empêche absolument de dissoudre l’objet dans sa constitution purement intentionnelle.
            Cette juste notion de l’étant premier connu peut être faussée de deux manières symétriques et opposées, qui représentent, pour Fabro, les deux grandes tentations de la philosophie occidentale depuis le tournant du XIVème siècle, dans lesquelles il discerne un processus de déconstruction dont les résultats sont parfaitement convergents. Dans un premier temps, l’étant est réduit au possible objectif, suivant une ligne Henri de Gand – Duns Scot – Suárez – Wolff. L’issue de cette tradition, c’est l’évidement de l’ens, qui n’ayant plus de rapport à l’esse et à l’acte, devient un contenu totalement universel, et donc totalement indéterminé. Dans un deuxième temps, avec le cogito et ses métamorphoses, suivant une ligne Descartes – Spinoza – Kant, et au-delà, jusqu’à Sartre, l’étant est réduit à la pensée qui ne pense rien qu’elle-même, et qui, n’étant pas Dieu, ne pense alors que le vide. Cette fois-ci, c’est l’acte, au sens de l’acte de conscience, qui néantise le contenu. En bref, l’étant wolffien et le cogito cartésien opèrent un passage à la limite qui résolvent l'objet, puis le sujet, dans le vide.
            Dans la mesure où les interprètes de saint Thomas se laissent séduire ou par la métaphysique du possible, ou, ce qui est pire, par la philosophie transcendantale, au sens moderne c’est-à-dire kantien du terme, ils compromettent la juste compréhension de l’ens primum cognitum. C’est ce qui advient d’abord dans de vastes secteurs de la néoscolastique. Sans mettre en cause la bonne foi thomiste de ces auteurs, Fabro se montre ici très critique, par exemple à l’endroit du manuel de François-Xavier Maquart, qui définissait l’étant contingent comme ce qui peut exercer une existence possible :

Que signifie cet exercice d’« existence possible » ? J’avoue que cela est pour moi incompréhensible et ne peut avoir aucun sens dans la signification thomiste originelle d’esse comme actus essendi : c’est l’essence qui peut être possible ou réelle (réalisée), non l’esse qui est l’acte de tout acte et ne peut être qu’acte ; en sorte qu’« exercer un acte d’être possible » de la part de l’essence possible (qui donc n’est pas encore, puisqu’elle n’est que possible) ne veut rien dire, parce que ce serait admettre entre le possible et le réel une simple différence de degré de… réalité[6].

En privilégiant, dans la description de l’étant, l’essence possible, le thomisme d’école se rapproche donc dangereusement de Wolff et de Suárez.
            Plus grave encore est la réduction opposée, entreprise par le « thomisme transcendantal » lancé par Joseph Maréchal S.J., surtout chez ses continuateurs germaniques tels que Johann Baptist Lotz S.J. et Emerich Coreth S.J. en métaphysique proprement dite, ou Karl Rahner S.J. en théologie. Comme on le sait, ces auteurs interprètent l’ens primum cognitum comme un horizon athématique, qui correspond à l’espace ouvert par la copule du jugement : puisque le « est » peut conjuguer n’importe quel sujet et n’importe quel prédicat sous la seule réserve de la non-contradiction, il est à la fois illimité et purement potentiel. À cette conception de l’étant, qu’il appelle « formelle transcendantale », Fabro adresse une double critique. Cet horizon, en premier lieu, est, de manière symétrique au possible wolffien, un pur possible, sans aucune actualité réelle ; et c’est pourquoi il compromet gravement, en second lieu, la transcendance de l’objet connu par rapport au sujet connaissant, puisque ce qu’il y a de plus formel dans la connaissance devient une structure a priori de la conscience intellective[7].




[1] QD De veritate, q. 1, a. 1, c.
[2] Christian WOLFF, Philosophia prima sive Ontologia, § 134, Francoforti et Lipsiae, 1736, p. 115, cité in Cornelio FABRO, Partecipazione e causaltà secondo S. Tommaso d’Aquino, [Opere Complete, 19], Segni, Editrice del Verbo Incarnato, 2010, p. 33.
[3] Cornelio FABRO, La prima riforma della dialettica hegeliana, Segni, Editrice del Verbo Incarnato, 2004, p. 229-230. La traduction, comme celle de tous les textes italiens de Fabro, est nôtre.
[4] Op. cit., p. 230.
[5] Op. cit., p. 231.
[6] Cornelio FABRO, « L’obscurcissement de l’“esse” dans l’école thomiste », Cornelio Fabro, L’être, la liberté et l’Église au XXe siècle,  Revue thomiste, Hors-série, 2011, p. 77.
[7] Cf. sur tout cela CORNELIO FABRO, La svolta antropologica di Karl Rahner, [Opere Complete, 25], Segni, Editrice del Verbo Incarnato, 2011.

lundi 14 avril 2014

Il passaggio dell’ente al trascendentale «qualcosa» (aliquid)

            Lo statuto trascendentale dell’aliquid è ancora più delicato di quello della res, giacché san Tommaso lo tematizza in maniera esplicita fra le nozioni convertibili con l’ente soltanto nell’articolo iniziale del De veritate:

Si autem modus entis accipiatur secundo modo, scilicet secundum ordinem unius ad alterum, hoc potest esse dupliciter. Uno modo secundum divisionem unius ab altero et hoc exprimit hoc nomen aliquid: dicitur enim aliquid quasi aliud quid, unde sicut ens dicitur unum in quantum est indivisum in se ita dicitur aliquid in quantum est ab aliis divisum[1].

Colpisce il collegamento fra lo aliquid e lo unum, che nasce dalla loro comune matrice, cioè dalla nozione di divisione. Posto infatti che hoc ens non est illud ens, il primo ente si rivela indiviso in sé, mentre il secondo viene espressamente diviso dal primo. Aliquid esprime quindi il rapporto di alterità che risulta, nell’ente, dal paragone con altri enti.
            Quale sarà lo statuto epistemologico ed ontologico di questa divisio ab altero? Visto il silenzio dell’Aquinate su questo preciso problema, è opportuno consultare il parere dei suoi interpreti. In maniera analogicamente simile a quella proposta per la res che egli metteva in rapporto polare allo ens, Jan Aertsen vede nello aliquid il trascendentale correlativo dello unum, in base ad una notazione molto interessante della Quaestio disputata De anima: «Unumquodque enim in quantum est unum, est in se indiuisum et ab aliis distinctum»[2]. Capito in questa ottica, lo aliquid sembra ridursi ad un’implicazione dell’unum, benché l’autore preferisca non assumere una posizione chiara in merito. Anche Stanislas Breton, in un saggio molto stimolante sulla genesi dei trascendentali, suggerisce che l’aliquid prende posto in una costellazione dove l’autonomia gli viene negata. Infatti, esso sarebbe una conseguenza della diremtion operata negli enti dall’essenza, la quale non può costituire un ente senza distinguerlo dagli altri. Così l’aliquid si ricollegherebbe al diversum a sua volta postulato dall’unum in seguito alla res[3]. La difficoltà comune, mutatis mutandis, a queste due posizioni, risiede nel rifiuto di tenere conto della ratio propria che oppone comunque lo aliquid all’uno: essendo quest’ultimo una proprietà trascendentale, perché non lo sarebbe quello, che vi si oppone in maniera polare come lo indivisum dal distinctum ab aliis?
            È proprio in questa prospettiva che Philip Rosemann coglie l’aliquid all’interno di una potente dialettica dell’identità e dell’alterità, che sarebbe la cornice del «sistema» ontologico tomistico, sbaratto per indicarne l’apertura trascendente. Per essere, l’ente deve sì essere sé stesso; ma ciò passa attraverso il distinguersi dagli altri, e quindi attraverso l’essere altro degli altri; pertanto, l’ente media sé stesso grazie al suo rapporto all’altro che gli conferisce la sua propria identità. L’aliquid, speculativamente e non solo etimologicamente letto come aliud quid, diventa allora il perno di tutta l’ontologia, giacché la verità dell’ente consiste, in ultima analisi, nel suo essere in rapporto ad altro[4]. Da questa ipotesi scaturisce una concezione fortemente dinamista dell’ente, che costituisce sé stesso uscendo da sé. Ora sebbene troviamo dal Rosemann sviluppi assai interessanti sulla necessaria connessione fra l’ente e la sua operatività, egli ci sembra non sufficientemente onorare il principio secondo il quale «esse est aliquid fixum et quietum in ente»[5], per cui le proprietà dell’ente, in quanto consecutive al suo esse costitutivo, debbono trascendere la mutabilità: come l’unità, la verità o la bontà di un ente qualunque, sostanziale o accidentale, non sono assoggettate al cambiamento, così anche deve essere il «qualcosa».
            Perciò altri autori concedono allo aliquid una specifica additio rationis che lo contraddistinguerebbe dall’ente senza compromettere la stabilità di quest’ultimo. In un articolo monografico dedicato a questo problema, Heinz Schmitz insisteva sull’originalità dell’aliquid rispetto all’unum, nonché sulla sua indipendenza rispetto alla molteplicità reale degli enti. Per questo studioso, che riconosce il suo debito nei confronti di Jacques Maritain e di Giovanni di San Tommaso, si deve accuratamente distinguere fra la nostra conoscenza dell’aliquid da una parte, e il suo costitutivo formale d’altra parte. Nell’ordine della scoperta, la nozione di aliquid ci viene svelata a partire dal giudizio hoc non est illud che presuppone, a sua volta, la pluralità reale degli enti, e che ci conduce a intuire in questo ente «qualcosa» di diverso di quell’altro ente. In questo modo, arriviamo alla nozione di aliquid, che comprende la nozione di ente e una relazione di ragione di alterità rispetto ad ogni «altro» ente. Però, nell’ordine dell’essere, questa alterità non presuppone necessariamente l’esistenza reale di altri enti: infatti, se ci fosse un solo ente, questo sarebbe ancora altro che tutti gli enti semplicemente possibili, e di conseguenza non lascierebbe di essere aliquid[6]. Questo respectus è quindi diverso dall’unità, che riguarda l’ente in sé, e si aggiunge all’ente indipendentemente dalla molteplicità effettiva degli enti. Lo Schmitz ci sembra aver giustamente colto l’irriducibilità dell’aliquid rispetto alle altre nozioni convertibili con l’ente, nonché aver visto bene il suo radicamento nella singolarità dello esse proprio di ente. Vorremmo tuttavia evitare il giro che fa la sua dimostrazione attraverso il puro possibile, perché connotando l’ente un rapporto costitutivo allo esse che è atto, la giustificazione delle passiones entis deve ugualmente fondarsi sull’ente in atto.
            Occorre ripartire dalla caratterizzazione dell’aliquid come ciò che è «ab aliis divisum». Questa separazione ci viene rivelata in un giudizio negativo, mediante il quale l’intelletto coglie un rapporto di alterità fra un ente a e un ente b. Siccome un tale rapporto di non-identità non connota alcuna dipendenza di a rispetto a b, né di b rispetto a a, la relazione così stabilita è di pura ragione. Se i due estremi sono reali, la relazione esprime la diversità nel possesso dell’essere da parte di a e da parte di b: il modo in cui a è non è il modo in cui b, da canto suo, è. Ciascuno è un quid, cioè una res che riceve l’essere secondo la sua propria misura; e ciascuno è per l’altro un aliud quid, cioè una res la cui misura di essere non è quella dell’altro. Se togliamo uno degli estremi, ogni ente rimane un quid virtualmente altro di ogni altro quid, in virtù della singolarità del suo essere. Questa proprietà riguarda sopratutto la sostanza, giacché l’essenza reale che misura l’essere di ognuna è irripetibile: nelle sostanze composte l’essenza è certamente universale in sé quanto alle sue note costitutive, ma non si dà mai realmente senza l’individuazione materiale; nelle sostanze separate, la forma sussistente è di per sé individuale; e in Dio, lo Esse Subsistens non può essere che unico. Perciò, già lo Stagirita caratterizzava la sostanza individuale in atto come τόδε τι[7], espressione che Guglielmo di Moerbeke tradusse con hoc aliquid, e che significa alcunché di determinato; ora essendo questa determinazione, in ultima analisi, singolare nell’ente reale, si deve dire che «secundum quod est hoc aliquid, unumquodque est ab alio distinctum»[8]. Successivamente, si può estendere analogicamente la nozione di hoc aliquid alle categorie accidentali, sulla scia di una indicazione offerta dallo stesso Aristotele che accenna chiaramente alla sua trascendentalità[9]:

Hoc enim quod dixit aliquid, vel significat « hoc », idest substantiam, aut quantum, aut quale, aut quando, vel aliquod aliud praedicamentum[10].

Così, il trascendentale aliquid si ricollega allo hoc aliquid, ed evidenzia, in tomismo, la singolarità di ogni ente, grazie alla quale esso è virtualmente altro di ogni altro ente. Se volessimo formalizzare questa passio entis, diremmo che si tratta della relazione di ragione grazie alla quale ogni ente fonda virtualmente un giudizio di distinzione rispetto ad ogni altro ente.





[1] QD De veritate, q. 1 a. 1c.
[2] QD De anima, q. 3c. Cf. Jan AERTSEN, Medieval Philosophy and the Transcendentals…, 223: «Every being is a “thing”, for it has through its essence or quiddity a stable and determinate mode of being. Every determination includes a negation. This being is not that being: they are opposed, not as beings as such but insofar as they heve determinate modes of being. Only if “being” is considered as “thing” can one being be formally divides from another being. Our conclusion is that the transition from the negation of being to the division in Thomas’s account of the primary notions is only comprehensible if the transcendentals res and aliquid are taken into consideration».
[3] Cf. Stanislas BRETON, «L’idée de transcendantal et la genèse des transcendantaux chez saint Thomas d’Aquin», in AA.VV., Saint Thomas d’Aquin aujourd’hui, Desclée de Brouwer, Paris 1963, 51: «L’essence, avons-nous dit, est la première expression de l’être en tout ce qui est. Or l’essence ne constitue qu’en distinguant et ne distingue qu’en constituant. Elle implique dès lors, et nécessairement, une marge d’altérité, un horizon qui l’enrobe de tout ce qui n’est pas elle. La négation, en tant que division, n’est donc pas simple privation. Elle fonde un univers qui ne serait pas un dans le divers qu’elle introduit».
[4] Cf. Philipp W. ROSEMANN, Omne ens est aliquid, Introduction à la lecture du «système» philosophique de saint Thomas d’Aquin, Éditions Peeters, Louvain Paris 1996, 51: «Un étant est quelque chose ou une chose (unum) seulement en étant “un autre ‘quoi’”, une autre chose (aliud quid) – par quoi il faut entendre: en étant une autre chose que les autres choses, c’est-à-dire en n’étant pas autre qu’il n’est… Pour être, l’étant doit alors à la fois rester lui-même et se distinguer par rapport aux autres. Or un étant ne peut se distinguer par rapport aux autres que s’il s’y rapporte, c’est-à-dire s’il sort de son “en-soi”, s’éloigne pour ainsi dire de lui-même et s’aliène, voire devient “autre” que lui-même».
[5] CG I, c. 20 n. 27 (Marietti, n. 179).
[6] Cf. Heinz SCHMITZ, «Un transcendantal méconnu», in Cahiers Jacques Maritain 2 (1981), 21-51. Leggiamo a p. 41 : «L’Aliquid exprime l’être de chaque étant ; non certes l’être comme présenté purement et simplement par le concept d’être, mais l’être comme connotant la relation d’altérité. Cette relation que notre esprit établit en comparant les êtres entre eux, doit être comprise comme une condition requise du côté de notre pouvoir intellectif afin qu’il puisse saisir l’être lui-même comme Aliquid. Dès lors que cette condition est réalisée, l’être lui-même se manifeste comme une perfection chaque fois originale et partout unique. Affirmer que l’être est quelque chose, qu’il est Aliquid, ne signifie nullement que la perfection d’être exige de soi une pluralité de réalisations. S’il n’y avait qu’un seul être, il serait encore Aliquid, c’est-à-dire nécessairement autre que tous les êtres possibles, et en ce sens nécessairement unique».
[7] Cf. Aristotele, Metafisica Ζ, 3, 1029 a 30.
[8] CG II, c. 21 n. 9 (Marietti, n. 977).
[9] Cf. Aristotele, Metafisica Ζ, 7, 1032 a 14-15: « τὸ δε τὶ λέγω ϰαθ’ ἑϰάστην ϰατηγορίαν».
[10] Sententia super Metaphysicam VII, lc. 6 n. 3 (Marietti, n. 1383).

samedi 12 avril 2014

Studi sulle tre figure della differenza ontologica nel tomismo dal Novecento ad oggi

            Da diversi anni, siamo impegnati nell’analisi delle strutturazioni che gli interpreti dell’Aquinate, dal Novecento ai nostri giorni, hanno proposto riguardo alla differenza ontologica tomistica, ossia al significato preciso della distinzione che si dà, nella creatura, fra l’ente e lo esse che essa ha, ma che essa non è. Su questo problema, abbiamo tuttora pubblicato quattro studi, che i nostri gentili lettori possono liberamente scaricare a partire dal link “Publications en libre accès” nella colonna di sinistra, oppure qua sotto:


  • «Le figure della differenza ontologica nel tomismo del Novecento», in Alpha Omega 11 (2008), 77-129; 213-250:


  • «Il confronto con Heidegger nel tomismo contemporaneo», in Alpha Omega 14 (2011), 195-266:


  • «La quarta via di san Tommaso d’Aquino e le prove di Dio di sant’Anselmo di Aosta secondo le tre configurazioni dell’ente tomistico», in Carmelo Pandolfi – Jésus Villagrasa (ed.), Sant’Anselmo d’Aosta ‛Doctor Magnificus’, A 900 anni dalla morte, Ateneo Regina Apostolorum – If Press, Roma – Morolo 2011, 103-174:


  • «L’analyse de l’étant et le constitutif de la personne dans le thomisme du XXe siècle», in Espíritu 62/146 (2013), 241-275 :



Vorremmo che questi articoli non fossero un esercizio solitario di ricerca, ma che suscitino interesse e dibattito fra gli studiosi del Doctor Communis Ecclesiae.

vendredi 11 avril 2014

Étienne Gilson et les humanités

« L’effet d’une éducation chrétienne sur l’esprit d’un jeune homme est d’autant plus profond qu’elle s’associe plus étroitement à l’éducation humaniste qui domina si longtemps les écoles françaises. Aujourd’hui en voie d’extinction, l’humanisme classique était encore vigoureux au début de ce siècle, surtout dans les institutions d’enseignement libre dirigées par des prêtres. Si l’étude du latin devait disparaître de notre pays, elle y trouverait ses derniers bastions dans les collèges catholiques. Le latin est la langue de l’Église ; le douloureux avilissement de la liturgie chrétienne par des traductions en une langue vulgaire qui se vulgarise sans cesse davantage, fait assez voir la nécessité d’une langue sacrée que son immobilité même protège contre les dépravations du goût ».

Étienne Gilson, Le philosophe et la théologie,
Préface de Jean-François Courtine,
Paris, Vrin, 2005, p. 14-15.


Il est à peine nécessaire de se demander quelle eût été la souffrance de Gilson aujourd’hui, cinquante-quatre ans après la publication de ce texte en 1960. Non seulement l’étude sérieuse du latin a presque complètement disparu des programmes de l’enseignement public secondaire, mais surtout l’Église a renoncé au latin aussi bien dans presque toutes les célébrations liturgiques en forme ordinaire que dans la formation intellectuelle de ceux qui devraient être l'élite de son clergé et de son laïcat. Le prétexte en fut je ne sais quelle « stratégie culturelle » de proximité avec le peuple ; le résultat est une faillite que seuls des aveugles ou des coupables peuvent feindre d'ignorer : le peuple n’est pas redevenu chrétien, au contraire, il sombre chaque jour davantage dans une barbarie technicienne et inhumaine.