Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

jeudi 22 novembre 2012

Strasbourg, 22 novembre : 1959 et 1964


            On admirera le classicisme de la langue : le rythme, la période, l’argumentation, et l’on méditera sur l’impossibilité qu’il y aurait, aujourd’hui, à prononcer, en quelque ville de France que ce soit, de tels discours, parce que l'auditoire ne pourrait les comprendre, qu'il soit universitaire ou populaire. Puis l’on considérera la lucidité du propos, en même temps que l’échec historique de la tentative : l’Europe s’est faite tout autrement, contre la souveraineté de ses états, contre l’âme de ses peuples, et surtout contre les racines chrétiennes de sa culture, que ces discours n’évoquent pas explicitement, mais qu’ils présupposent amplement. Souvent  - toujours, peut-être -  les idées hautes et les desseins profonds sont broyés par l’histoire. C’est pourquoi nous nous en remettons à celui qui, étant l’Alpha et l’Oméga, le Principe et la Fin (Ap. 21, 6), fera tourner toutes choses à sa gloire.


dimanche 18 novembre 2012

Giornata di studio sull'epistemologia della fede nel Medioevo


            Ci permettiamo di segnalare ai nostri lettori residenti in Urbe, o che potrebbero esserci, la giornata di studio sull’epistemologia della fede nel Medioevo, da sant’Alberto Magno a Giovanni Capreolo, che avrà luogo nel Pontificio Ateneo Regina Apostolorum il giovedì 22 novembre 2012. Ulteriori informazioni si possono trovare qua:

samedi 17 novembre 2012

Le désir de l’otium chez Claude Lorrain comme allégorie du désir de Dieu selon Marc Fumaroli


            Laisssons Marc Fumaroli dire ce soir des choses que nous avons toujours pensées, mais que notre inculture nous a empêché d’exprimer…

Baudelaire, dans L’invitation au voyage, où il rivalise en poète avec les grandes marines du peintre Claude Lorrain, autres accalmies obtenues par un long et savant labeur, évoque moins le repos, que le désir du repos et le voyage qui conduit à lui. Les paysages du Lorrain, comme ceux de son contemporain Poussin, tous deux étrangers œuvrant à Rome au milieu du xviie siècle, pénètrent en effet leur spectateur d’un sens d’otium où le repos n’est pas donné au premier regard, mais laissé à désirer comme une patrie lointaine. Ni l’un ni l’autre n’avaient accès, sauf  exception pour Poussin, aux grandes commandes officielles de l’Église, que se réservaient les peintres indigènes. Ils ont composé des tableaux de moyen format, gâteaux de miel destinés à la délectation et à la méditation intimes d’une clientèle d’amateurs et de collectionneurs privés.
            Devant les paysages marins du Lorrain, le spectateur est comme invité à s’asseoir, en vacance, sur le quai d’un port, au coucher ou au lever du soleil, à l’heure où s’équilibrent ombre et lumière. Il embrasse le paysage au moment où la bonace laisse place à la brise et il découvre, dans le vaste panorama de mer et de ciel déployé sous ses yeux, les navires qui viennent de lever l’ancre, voiles déployées, leurs mâts dessinant des Croix sur le ciel. Le peintre a mêlé, dans une sorte de court-circuit interne à une longue mémoire, des monuments antiques et des monuments modernes, des personnages minuscules représentant des scènes de l’Histoire ou du mythe antiques, et le réalisme moderne d’un port peu animé, de ses ouvriers à terre, de ses caravelles haut gréées. Dans l’espace ouvert par la perspective aérienne et les architectures, les temps ont cessé de se succéder, il se superposent. Paysages d’otium, vus du portum tranquille qui en est synonyme, mais qui s'ouvrent, avec les vaisseaux en partance, sur l’horizon infini vers lequel ils vont faire voile emmenant le regard ailleurs, vers encore un autre repos, un autre port, invisible. Le spectateur du xviie siècle pouvait interpréter ces départs sous le signe de la Croix comme une allégorie du voyage de l’âme exilée vers sa patrie céleste.

Marc Fumaroli, Paris – New York et retour, Voyage dans les arts et les images,
Journal 2007-2008,
[Champs Essais], Paris, Flammarion 42011, p. 51-52.

Voici, sous la plume de l’un des plus prestigieux critiques littéraires de notre époque, une thèse qui nous tient profondément à cœur : chez Claude Lorrain comme aussi, nous semble-t-il, chez Nicolas Poussin, le splendor formae du paysage classique n’exprime pas un humanisme fermé sur lui-même, mais il s’ouvre sur un au-delà de la beauté créée, vers l'océan de la déité en lequel notre désir naturel trouvera son accomplissement. Omnis intellectus naturaliter desiderat divinae substantiae visionem, tout intellect désire naturellment la vision de la substance divine, écrit saint Thomas (Contra Gentiles III, c. 57, n. 4). Ce que la métaphysique de l'Aquinate nous dit à partir de l'ens, la peinture du Lorrain nous le répète à partir du pulchrum: admirable convergence de la philosophie et de l'art, qui eût ravi, n'en doutons pas, Poussin.
            Il nous reste seulement à proposer un tableau de Claude Gellée qui exemplifie à la perfection le propos de Marc Fumaroli, et ce ne peut être que le Port de mer au soleil couchant que l’on peut admirer au Louvre. Rappelons enfin que nous avons déjà présenté, sur ce très modeste bloc-notes, une quarantaine d’œuvres du Lorrain :

Claude Lorrain, Port de mer au soleil couchant, 1639.
Paris, Musée du Louvre.