Voici deux paysages virgiliens « en pendant » particulièrement réussis, que possède le Musée du Louvre, mais qui ne sont malheureusement pas exposés au public. Comme pour les deux tableaux de Cambridge que nous avons déjà présentés[1], le jeu de correspondances entre les deux œuvres pourrait se résumer, pour un esprit philosophique, en la formule platonicienne ou pythagoricienne de l’unité dans la dualité. Voyons cela.
Dans le Marine au soleil couchant, le premier plan montre la terre ferme, tandis que la mer, dont une langue vient presque toucher la droite du tableau, occupe le moyen plan, et qu’une ligne côtière se profile à l’arrière-plan. Le Paysage avec un pâtre et un troupeau nous fait voir au contraire un cours d’eau stagnant au premier plan, qui serpente jusqu’au moyen plan, et qui est encadré, à l’arrière-plan, par une chaîne de montagnes plus hautes. Les deux thèmes ont donc en commun la triade de la nature, de l’eau et surtout du ciel illuminé par un soleil déjà affaibli ; mais ils diffèrent selon que prédomine l’élément terrestre dans l’un, et l’élément maritime dans l’autre, bien que la surface d’eau occupe des proportions assez voisines.
Dans le premier de ces tableaux, deux personnages debout se dressent sur le promontoire du premier plan, et sont éclairés par les rayons du soleil couchant, dans la droite ligne duquel il se trouvent ; dans le pendant, en revanche, le spectateur voit au premier plan des bestiaux, puis un personnage sur le côté qui, sans être dans l’ombre, n’est pas éclairé par le soleil, dont le peintre n’a d’ailleurs représenté que la lumière qu’il projette derrière la montagne. Dans le Marine, ce même soleil semble, comme si souvent chez Claude, le personnage principal, dont les rebords du paysage encadre l’apparition : à gauche, l’arbre qui se détache d’un buisson, puis le vaisseau qui mouille sous la falaise ; à droite, l’éperon rocheux et le bosquet qui sépare le premier du deuxième plan, puis la tour, les mâts, et la falaise reculée qui délimitent, de ce côté, le moyen plan. Comme au théâtre, ce cadre permet à l’artiste de glorifier ce qui surplombe la scène, le soleil couchant, ses reflets sur les nuages, et cette nuance de bleu qui s’observe à l’heure de vêpres sur les côtes du Latium. Le Paysage joue plutôt, quant à lui, sur les tons verts et bleu de la végétation, beaucoup plus abondante, et sur la verticalité du groupe d’arbres qui domine le centre gauche de la composition, et qui est balancée par un autre groupe, beaucoup plus net et moins touffu, à droite en avant. Nous avouons que le Marine nous semble nettement mieux réussi que le Paysage ; mais l’effet de pendant ajoute néanmoins un plaisir intellectuel que les œuvres contemplées à part n’offriraient pas.
Claude Lorrain, Marine, soleil couchant, vers 1630 - 1635. Paris, Musée du Louvre. |
Claude Lorrain, Paysage, pâtre et troupeaux, vers 1630 - 1635. Paris, Musée du Louvre. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.