Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

jeudi 26 juillet 2012

Les funérailles d’Atala, racontées par Chateaubriand, et peintes par Girodet

            « Cependant, une barre d’or se forma dans l’Orient. Les éperviers criaient sur les rochers, et les martres rentraient dans le creux des ormes : c’était le signal du convoi d’Atala. Je chargeai le corps sur mes épaules ; l’ermite marchait devant moi, une bêche à la main. Nous commençâmes à descendre de rochers en rochers ; la vieillesse et la mort ralentissaient également nos pas. À la vue du chien qui nous avait trouvés dans la forêt, et qui maintenant, bondissant de joie, nous traçait une autre route, je me mis à fondre en larmes. Souvent la longue chevelure d’Atala, jouet des brises matinales, étendait son voile d’or sur mes yeux ; souvent pliant sous le fardeau, j’étais obligé de le déposer sur la mousse, et de m’asseoir auprès, pour reprendre des forces. Enfin, nous arrivâmes sous l’arche du pont. O mon fils, il eût fallu voir un jeune Sauvage et un vieil ermite, à genoux l’un vis-à-vis de l’autre dans un désert, creusant avec leurs mains un tombeau pour une pauvre fille dont le corps était étendu près de là, dans la ravine desséchée d’un torrent !
            « Quant notre ouvrage fut achevé, nous transportâmes la beauté dans son lit d’argile. Hélas, j’avais espéré de préparer une autre couche pour elle ! Prenant alors un peu de poussière dans ma main, et gardant un silence effroyable, j’attachai, pour la dernière fois, mes yeux sur le visage d’Atala. Ensuite je répandis de la terre du sommeil sur un front de dix-huit printemps ; je vis graduellement disparaître les traits de ma sœur, et ses grâces se cacher sous le rideau de l’éternité ; son sein surmonta quelque temps le sol noirci, comme un lis blanc s’élève du milieu d’une sombre argile : “Lopez, m’écriai-je alors, vois ton fils inhumer ta fille !” et j’achevai de couvrir Atala de la terre du sommeil ».
François-René de Chateaubriand, Atala,
in Id., Œuvres romanesques et voyages, éd. Maurice Regard, t. I,
[Bibliothèque de la Pléiade, 209], Paris, Gallimard, 1969, p. 90.


            Girodet représente un instant que Chateaubriand ne décrit pas dans son roman, mais qui va de soi. Le père Aubry à droite, debout dans la fosse à peine creusée, et Chactas assis sur son rebord, à l’autre extrémité, tiennent le cadavre de la jeune et blonde Atala, illuminée par le soleil qui, de l’Orient, éclaire une arche du pont. La bêche déposée par terre au premier plan évoque le dernier service que les survivants rendent en ce moment à la morte que, chacun à sa place et de sa façon propre, ils aimaient. La croix, dans l’axe du soleil, donne son sens chrétien à la scène.
Le lecteur intéressé trouvera quelques compléments sur le site du Musée du Louvre : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/atala-au-tombeau

Anne-Louis Girodet, Atala au tombeau, 1808.
Paris, Musée du Louvre.

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