Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

dimanche 12 janvier 2014

Le Baptême du Christ, de Guido Reni

            Dans la longue étude qu’il a dédiée à Guido Reni dans L’École du silence, Marc Fumaroli explique la fréquence et l’importance que le maître bolognais accorde aux figures conjointes du Christ et de saint Jean-Baptiste par le thème de la rencontre. En attendant de revenir sur ce sujet, nous citerons les lignes qu’il consacre au célèbre Baptême du Christ que l’on peut admirer au Kunsthistorisches Museum de Vienne :

Une autre accommodation, à peine plus appuyée, permet de voir se dessiner le Baptême sous la surface de la Rencontre. L’attitude des deux figures, cette fois, semble d’abord inversée par rapport à l’iconographie traditionnelle, qui représente le Christ s’inclinant et le Baptiste élevant le bras et la coupe lustrale au-dessus de lui. Mais cette inversion même des attitudes, si l’attention intérieure s’est bien fixée sur le Baptême, est un objet fertile pour ce que les maîtres spirituels nomment « considération » : le Christ commence par bénir et consacrer saint Jean avant d’être baptisé par lui et, dans le Baptême, c’est bien le Christ qui est exalté, le rôle de Jean se bornant à être l’instrument providentiel de cette exaltation. Ce renversement des rôles, ce passage du négatif au positif, de la figure apparente à la figure cachée et profonde, est la loi même de l’étonnant filigrane mnémotechnique conçu par le peintre[1].

Sur un registre plus scolaire, on remarquera que Le Guide, dans cette œuvre de 1623, utilise, pour les proportions du corps humain, un canon (1 × 8) qui s’apparente davantage à Praxitèle qu’à Phidias, ce qui montre que son classicisme foncier ne néglige pas tout à fait l’héritage maniériste. En ce qui concerne la composition, il faut remarquer que la structure triangulaire particulièrement visible intègre, sur le côté gauche du triangle pour le spectateur, une droite qui traverse tout le tableau, puisqu’elle descend de la nuée, passe par la tête de la colombe et la main du Baptiste, pour arriver au pied droit de l’ange et à l’angle gauche du tableau. Cette ligne, discrète mais nette, à la droite de la scène vue des personnages eux-mêmes, est celle-là même de la théophanie qui vient, en cet instant, annoncer le caractère messianique du Fils.


Guido Reni, Le Baptême du Christ, 1623,
Vienne, Kunsthistorisches Museum.




[1] Marc FUMAROLI, L’École du silence, Le sentiment des images au XVIIe siècle, [Champs Arts, 633], Paris, Flammarion, 2008, p. 414-415.

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