Voici encore un poème tiré du recueil posthume des Poésies inédites de Marceline Desbordes-Valmore, publié à Genève en 1860 par Gustave Revilliod (qui fut aussi le créateur du musée de l’Ariana). La poétesse intitule son élégie à la Cigale, l’insecte imprévoyant de la fable, avec lequel elle identifie son destin, et s’en remet pour cela à la Mort qu’elle connaît bien, puis surtout, dans le dernier vers, à l’Espérance.
Cigale
« De l’ardente cigale
J’eus le destin,
Sa récole frugale
Fut mon festin.
Mouillant mon seigle à peine
D’un peu de lait,
J’ai glané graine à graine
Mon chapelet.
« J’ai chanté comme j’aime
Rires et douleurs ;
L’oiseau des bois lui-même
Chante des pleurs ;
Et la sonore flamme,
Symbole errant,
Prouve bien que toute âme
Brûle en pleurant.
« Puisque Amour vit de charmes
Et de souci,
J’ai donc vécu de larmes,
De joie aussi,
À présent, que m’importe !
Faite à souffrir,
Devant, pour être morte,
Si peu mourir. »
La chanteuse penchée
Cherchait encor
De la moisson fauchée
Quelque épi d’or,
Quand l’autre moissoneuse,
Forte en tous lieux,
Emporta la glaneuse
Chanter aux cieux.
Marceline Desbordes-Valmore, « Poésies inédites »,
in Id., Poésies, Préface et choix d’Yves Bonnefoy,
Paris, Gallimard, 1983, p. 191-192.
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