Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

vendredi 7 septembre 2012

Cigale de Marceline Desbordes-Valmore

            Voici encore un poème tiré du recueil posthume des Poésies inédites de Marceline Desbordes-Valmore, publié à Genève en 1860 par Gustave Revilliod (qui fut aussi le créateur du musée de l’Ariana). La poétesse intitule son élégie à la Cigale, l’insecte imprévoyant de la fable, avec lequel elle identifie son destin, et s’en remet pour cela à la Mort qu’elle connaît bien, puis surtout, dans le dernier vers, à l’Espérance.


Cigale

« De l’ardente cigale
            J’eus le destin,
Sa récole frugale
            Fut mon festin.
Mouillant mon seigle à peine
            D’un peu de lait,
J’ai glané graine à graine
            Mon chapelet.

« J’ai chanté comme j’aime
            Rires et douleurs ;
L’oiseau des bois lui-même
            Chante des pleurs ;
Et la sonore flamme,
            Symbole errant,
Prouve bien que toute âme
            Brûle en pleurant.

« Puisque Amour vit de charmes
            Et de souci,
J’ai donc vécu de larmes,
            De joie aussi,
À présent, que m’importe !
            Faite à souffrir,
Devant, pour être morte,
            Si peu mourir. »

La chanteuse penchée
            Cherchait encor
De la moisson fauchée
            Quelque épi d’or,
Quand l’autre moissoneuse,
            Forte en tous lieux,
Emporta la glaneuse
            Chanter aux cieux.

Marceline Desbordes-Valmore, « Poésies inédites »,
in Id., Poésies, Préface et choix d’Yves Bonnefoy,
Paris, Gallimard, 1983, p. 191-192.

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