Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

samedi 1 septembre 2012

La hauteur


            Montmorency a porté les armes contre Louis XIII. On demande sa grâce au roi qui, « supplié par toute la France et toute l’Europe », refuse : « Je ne serais pas roi si j’avais les sentiments d’un particulier. » Montmorency refuse de se défendre : « Je n’ai pas l’intention de chicaner ma vie. » La princesse de Condé, sœur de Montmorency, se jette en sanglotant aux genoux de Richelieu, qui a mené l’affaire ; il répond : « Il est trop grand pour que je puisse le sauver. » Pendant qu’on exécute Montmorency, le cardinal, agenouillé, prie pour le condamné et le salut de son âme. Louis XIII conclut : « On ne doit pas être fâché de voir mourir un homme qui l’a si bien mérité. »
            L’ensemble de cette action extraordinaire (quelles scènes au théâtre !) est-il marqué du signe de la grandeur ? Non, ni dans un de ses actes, ni dans une de ses paroles (sauf celle de Montmorency). Mais tout y est marqué du signe de la hauteur : tout le monde y est haut naturellement, sans le vouloir et sans le savoir.

Henry de Montherlant, La Marée du soir, Carnets 1968-1971,
Année 1969,
Paris, Gallimard, 1972, p. 68-69.

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