Benozzo Gozzoli, Le triomphe de saint Thomas d'Aquin, 1471

samedi 25 décembre 2010

La manifestation de la Nativité

            Envoyé par le Père pour le salut de tous les hommes de bonne volonté, le Sauveur ne manifeste pas sa nativité à tous, mais à quelques uns, qui représentent déjà, cependant, l’universalité de l’Église qu’il vient rassembler autour de lui. C’est ce qu’explique saint Thomas avec sa concision habituelle dans la question de la IIIa pars qui traite De manifestatione Christi nati :

Respondeo dicendum quod salus quae erat futura per Christum, ad omnem diversitatem hominum pertinebat, quia, sicut dicitur Col. 3, 13, in Christo non est masculus et femina, gentilis et Iudaeus, servus et liber, et sic de aliis huiusmodi. Et ut hoc in ipsa Christi nativitate praefiguraretur, omnibus conditionibus hominum est manifestatus. Quia, ut Augustinus dicit, in sermone de Epiphania, pastores erant Israelitae, magi gentiles. Illi prope, isti longe. Utrique tanquam ad angularem lapidem concurrerunt. Fuit etiam inter eos alia diversitas, nam magi fuerunt sapientes et potentes, pastores autem simplices et viles. Manifestatus est etiam iustis, Simeoni et Annae, et peccatoribus, scilicet magis; manifestatus est etiam et viris et mulieribus, scilicet Annae; ut per hoc ostenderetur nullam conditionem hominum excludi a Christi salute[1].

Selon saint Luc (Lc 2, 8-20), les premiers destinataires de la Bonne Nouvelle furent en effet des bergers, c’est-à-dire, selon la scansion de saint Paul que cite ici l’Aquinate, des Juifs et des simples. Le vieillard Syméon et la prophétesse Anne (Lc 2, 25-38) qui verront Jésus quarante jours plus tard, au Temple, seront aussi des Juifs, mais de ceux qui avaient la science de l’Écriture. Les mages, que saint Thomas range au nombre des pécheurs, paraissent dans saint Mathieu (Mt 2, 1-12), et ils symbolisent la plénitude des gentils.
            Dans une œuvre qui appartient encore au style de sa première période, moins rigoureux que celui de la maturité, mais très architecturé déjà, Nicolas Poussin a représenté la première de ces trois manifestations de la Nativité. L’étable est installé dans les ruines d’un édifice romain, ce qui permet à la fois d’encadrer parfaitement la scène et d’évoquer la caducité des empires terrestres, qui passent, alors que l’événement de l’Incarnation demeure pour toujours, source d’une vie qui ne passera pas : l’ambiance et le coloris sont déjà printaniers, et les anges jettent des fleurs.



Nicolas Poussin, L'adoration des bergers, vers 1633 - 1634.
Londres, National Gallery.





[1] ST III, q. 36 a. 3c : « Le salut qui devait être réalisé par le Christ concernait toutes les catégories d'hommes parce que, dit S. Paul (Col 3, 11), dans le Christ Jésus il n'y a plus ni homme ni femme, ni païens ni Juifs, ni esclaves ni homme libre et ainsi des autres différences. Et pour que cela soit préfiguré dans la naissance même du Christ il a été manifesté à des hommes de toutes conditions. Parce que, dit S. Augustin, les bergers étaient des Israélites et les mages des païens. Les uns habitaient tout près, les autres venaient de loin. Les uns et les autres se rejoignirent en s'unissant à la pierre angulaire . Il y eut entre eux d'autres différences: les mages étaient sages et puissants, les bergers ignorants et grossiers. Il s'est aussi manifesté à des justes comme Syméon et Anne, et à des pécheurs comme les mages; il s'est encore manifesté à des hommes et à des femmes, comme Anne, pour montrer que nulle condition humaine n'est exclue du salut du Christ ».

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